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Le Vif-L’Express - Cessons de jouer les victimes ! L’entretien avec Andrea Riccardi



Andrea Riccardi in un'intervista a L'Express parla della Comunità di Sant'Egidio, dell'impegno con i poveri e per la pace (in francese) 
 
5 juillet 2013

Avec quelques copains de classe, comme lui choqués par la misère régnant dans les bidonvilles de Rome, Andrea Riccardi a lancé en 1968 la communauté Sant’Egidio, qui continue aujourd’hui de s’engager en faveur des personnes précarisées : sans-abri, personnes âgées, nomades, malades... Ce mouvement international de laïcs chrétiens a essaimé dans 70 pays, dont la Belgique (présence à Anvers, Liège et Bruxelles), et compte près de 60000 membres. Sant’Egidio est aussi réputée pour sa promotion du dialogue interreligieux et surtout pour ses médiations dans les conflits internationaux.
Tour d’horizon avec ce bâtisseur de paix.

Propos recueillis par François Janne d’Othée


Le Vif/L’Express : D’où vous est venue cette intuition que pour diminuer la pauvreté, il faut résoudre les conflits ?
a Andrea Riccardi : Je ne dirais pas que c’est l’intuition du début. Avec quelques amis de mon lycée Virgilio à Rome, on a lancé en 1968 la communauté Sant’Egidio dans le but de venir en aide aux plus pauvres, par la distribution des repas, l’alphabétisation, l’hébergement, etc. Nous avons fait l’expérience que plus on approfondit la spiritualité, plus on s’approche des pauvres. Cela nous a mené à nous intéresser aux conflits, car la guerre est la mère de toutes les pauvretés. Dans les années 1980, j’ai découvert le Liban, les massacres de Sabra et Chatila, le centre de Beyrouth détruit, je n’avais jamais vu cela. Je n’avais jamais vu la guerre, en fait. Cela prouve au moins que notre génération, contrairement à celle de nos parents, a été épargnée par ces horreurs. Après, nous avons découvert l’Afrique, avec à nouveau ses guerres et donc ses pauvres.

C’est quoi, votre « art de la paix », pour reprendre le titre d’un ouvrage consacré à votre
communauté ( Editions Salvator, 2012.)?
a Il n’y a pas de technique. Peut-être une approche. Il faut provoquer la rencontre entre les gens, les faire parler. Et trouver ce qu’il y a en commun entre eux, en mettant de côté ce qui les divise. C’est ce que nous avons fait en Algérie, au Burundi, au Mozambique, ou, actuellement, en Casamance (Sénégal). L’art de la paix, ce sont des expériences petites et grandes, notamment en faveur de la libération de personnes kidnappées.

Quand on parle de diplomatie secrète du Vatican, cela vous amuse ou vous irrite ?

a Plutôt sourire. Car d’abord le Vatican ne nous a rien demandé. Ensuite ce n’est pas une diplomatie secrète. Enfin, si le Vatican nous demande d’intervenir, pourquoi ne pas le faire ? Chaque communauté qui s’ouvre sur  handicapée par ce manque d’audace à regarder vers les horizons du monde. On préfère rester dans la modestie, la petitesse. Or, quand on regarde vers les horizons du monde avec toutes nos limites, on peut exercer une grande force, une sorte de puissance d’humanité.

Vous êtes considéré comme un apôtre de la non-violence. Mais de l’Afghanistan à la Syrie, on ne cesse de privilégier les solutions militaires. N’est-ce pas une défaite de la diplomatie de type Sant’Egidio ?
a Si je suis un apôtre avec plusieurs guillemets, je serais d’abord celui de la paix. Et surtout de la paix préventive. A 63 ans, j’en ai vu des guerres. Quand je vois comment elles s’enkystent, je constate que ce sont des maladies difficiles à soigner. Regardez Israël et Palestine, c’est la chronique d’une paix impossible. En Syrie, il y avait une protestation civile non violente, modérée, laïque. On a fait tout tomber. Tout est pourri à présent. C’est désormais la lutte entre un extrémisme militaire et un extrémisme fondamentaliste. Pourquoi n’est-on pas intervenu plus tôt ? Pourquoi n’a-t-on pas négocié directement avec les Russes ? Il faut d’urgence trouver un accord avec eux. Toutes les pistes qui mènent à Moscou n’ont pas encore été explorées.
Faut-il parfois intervenir militairement ?
a En Libye, on a fait la guerre pour défendre l’opposition. Mais les expériences de guerre ne sont jamais des victoires de la paix. L’intervention en Libye, je ne la blâme pas. Mais je ne l’exalte pas non plus. Elle n’a pas résolu le conflit et, de plus, elle a apporté la guerre au Mali. Et regardez la guerre en Irak pour abattre Saddam Hussein, elle a en même temps détruit le pays, la communauté chrétienne, etc. La guerre est-elle utile ? En Syrie, il y a des chrétiens qui portent les armes contre le régime, d’autres qui défendent Bachar al Assad. Que faire face à une telle complexité ?

Sant’Egidio est-elle impliquée en Syrie ?
a On a essayé au début. Aujourd’hui, on y est de nouveau très attentif car deux évêques d’Alep, Mar Gregorios Yohanna Ibrahim (archevêque syro-orthodoxe) et Mgr Paul Yazigi (métropolite gréco-orthodoxe), qui sont très liés à Sant’Egidio, ont été enlevés le 22 avril dernier et on est sans nouvelles d’eux depuis lors. Tous les jours, on prie pour eux. En tant que ministre, je suis allé visiter les réfugiés au Liban et j’ai beaucoup poussé l’Italie à leur venir en aide.

Vous avez récemment exercé un mandat de ministre de la Coopération, de l’Intégration et de la Famille dans le gouvernement Monti. Qu’en retirez-vous ?
a Je n’avais rien demandé, et je n’ai pas poussé non plus pour être dans le gouvernement suivant. Est-ce que je me sentais à ma place ? Disons que j’ai choisi d’être à cette place. Je l’ai considéré comme un service à mon pays. Mon pays est dans une situation très difficile, presque une « guerre »,
et je ne pouvais pas refuser. Ce fut une expérience difficile, on a beaucoup travaillé, même si on a été mal récompensé.

Quand vous voyez une ministre d’origine africaine, celle qui vous succède, se faire insulter par une parlementaire aux propos racistes...
a (Il coupe)... c’était une attaque honteuse. Cela montre à quel point l’Italie traverse une crise énorme, économique et politique. Cela m’a fait mal, mais ce n’est pas représentatif. La ministre a réagi avec un grand sens moral en déclarant : « Non rispondo perché ognuno di noi dovrebbe sentirsi offeso» (Je ne réponds pas parce que chacun de nous devrait se sentir offensé). Je suis du même avis.

Vous êtes un Européen convaincu. L’Europe d’aujourd’hui vous enchante-t-elle encore ?

a J’ai eu l’honneur d’avoir le prix Charlemagne (NDLR : prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle décerné à des personnalités remarquables qui se sont engagées pour l’unification européenne), qui est un prix important qu’un Alcide De Gasperi (NDLR : 1881-1954, considéré comme l’un des pères de l’Europe) a reçu en son temps. J’étais ému quand j’ai prononcé ma profession de foi dans une Europe de la coexistence en tant que réponse aux fondamentalismes. Mais l’Europe politique tarde à se bâtir. On ne la regarde plus que comme une banque. Il faut agir vite car notre continent est en perte de vitesse.

« Le mal de l’Europe, c’est la peur de l’autre », avez-vous déclaré récemment. Est-ce ainsi
que vous définiriez cette perte de vitesse ?

a Peur de l’autre et peur du futur. Nous n’avons plus d’espérance. Nous avons perdu le sens de l’histoire, et on perd le sens du futur. C’est cela, notre problème. Il faut redonner aux jeunes générations le goût de l’avenir et celui du sacrifice. On a fait la lutte des classes, on a lutté pour la justice, pour la démocratie, pour un avenir économique meilleur, et nous voilà aujourd’hui dans une posture de victimes où le « moi je» l’emporte. Il faut sortir de cette egolâtrie pour aller vers le « nous », le nous de la nation, le nous de l’Europe, le nous de la famille... Il y a plusieurs nous qui façonnent notre vie !

Y compris le « nous » d’une communauté !
A Oui, et j’en suis fier. En 1968, « communauté » était un mot à la mode. Aujourd’hui, c’est plutôt perçu comme rétro, dans le sens où ce mot représente sans doute un « nous » un peu trop fort.
Lors d’un colloque aux Bernardins à Paris, vous avez pointé le divorce entre la politique et la culture. Pourquoi ?

a Les partis italiens avaient chacun une culture, de gauche, de droite, marxiste, catholique, mais tout cela a fondu. On assiste plutôt à un mariage entre politique et télévision, dont Berlusconi est le rejeton, ou entre la politique et Internet avec un Beppe Grillo qui croit utile de lancer : « J’ai reçu des messages sur Facebook, le peuple me demande ». Cela montre à quel point les liens sont en crise. Culture, cela signifie vision du futur, et discussion du passé. La politique doit donner des idées aux gens, exercer un certain leadership. Sans culture, l’Europe, nos villes, nos monuments sont inexplicables à nous-mêmes.

La globalisation : un mot porteur ou menaçant ?

a C’est un mot neutre, comme nation, catholicisme, islam... A cela près que la globalisation conduit à la mort du proche. Il y a plusieurs paradoxes. L’homme de la globalisation est un homme individuel. Dans une même ville, plusieurs mondes différents peuvent coexister sans avoir de liens. Il faut donc réinventer les liens de proximité. Nous en avons besoin comme de pain. Sinon, on n’a pas accès aux
chances qu’offre la globalisation. Les chrétiens devraient d’ailleurs plus s’intéresser à la globalisation que se préoccuper de sécularisation.

Le 21 octobre prochain, vous serez l’invité des Grandes conférences catholiques à Bruxelles.
Pourquoi appelez-vous les chrétiens à être anticonformistes ?

a Le chrétien ne peut pas vivre en s’adaptant sans cesse à l’air du temps. Etre un prophète, c’est dire des choses qui ne sont pas facilement adaptables.

Vous prônez le dialogue interreligieux. Mais certains disent que cela ne sert à rien d’encourager un dialogue entre des gens qui, comme en Syrie, cohabitent de toute façon et qui ne se convertiront jamais les uns aux autres. Votre avis ?

a Le dialogue est nécessaire comme la prière. Vous pouvez demander : à quoi sert la prière ? Si vous priez, que deviendrez-vous demain ? Vous resterez comme vous êtes. Ou peut-être pire. Ou peut-être
meilleur. Mais que serait un monde sans prière ? Ce serait un monde sans esprit et sans âme. Le dialogue sert à faire souffler un esprit d’humanité. L’histoire, ce ne sont pas des causes et des effets, de la même façon que vous me posez des questions et j’apporte des réponses. Parfois on n’a pas de réponses, ou alors cinq ans après. Pour ce qui est de la Syrie, je le dis ouvertement : c’est un modèle de cohabitation interreligieuse. J’ai découvert cela lors d’un pèlerinage avec la communauté au début des années 1980.

Ce 14 juillet, c’est un membre de Sant’Egidio, Jean-Pierre Delville, qui sera ordonné évêque de Liège. Le connaissez-vous?

a Je le connais depuis des décennies. Il est notamment professeur d’histoire du christianisme. A l’instar de Jean XXIII, je crois beaucoup aux évêques qui aiment l’histoire. Cela signifie qu’il a le sens de la tradition de son diocèse. Or il n’y a de sens du futur que s’il y a de sens du passé, sans qu’il aille forcément répéter ce passé. C’est aussi, et surtout, un homme qui aime les pauvres. Comme l’actuel pape François!

Connaissez-vous la Belgique ?

a Je suis très lié à votre pays. Je l’ai toujours considéré comme un lieu éminemment européen. Je me souviens comment les travailleurs italiens s’y sont intégrés. Une Europe qui s’intègre et une Belgique qui se désintègre, cela m’interpelle fort, tout comme l’histoire du catholicisme belge qui a été un grand catholicisme missionnaire, universel, social, et qui m’a beaucoup appris. La Belgique a besoin du catholicisme. Cela ne signifie pas, bien entendu, confessionnaliser la Belgique.

En cas de blocage politique en Belgique, Sant’Egidio pourrait-elle proposer ses talents de médiation ?

a (Il rit). Non, non. Les Belges peuvent très bien s’entendre entre eux.

􀀀 F.J.O.

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